[BD] Soon

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Auteurs : Thomas Cadène et Benjamin Adam
Éditeur : Dargaud (collection Vision du futur)
Nombre de page : 216

Aujourd’hui encore, pour beaucoup de personnes, science-fiction rime seulement avec espace, vaisseaux spatiaux, gros seins, beau graphisme mais histoire simpliste. Que récit futuriste sous-entend robot, bastons, gros seins, invasion d’aliens et guerre nucléaire sans chercher bien loin. Bien sûr, une grosse partie de la production éditoriale entre toujours dans cette lignée (du moins en BD, je suis bien moins à jour sur la production littéraire même si j’en lire encore) et si les récits peuvent parfois être sympa à lire (des défouloirs jubilatoires qui ne demandent pas trop de réflexions), la plupart du temps, c’est lassant. Les histoires tournent en rond, on connaît la fin avant d’avoir lu le début et rien ne nous surprend…

Heureusement, de plus en plus de pépites émergent, des récits intelligents, profonds, touchants, réfléchis, surprenants… et justement, Soon est de cette catégorie-là. J’avais de grande attente avant de commencer ce récit et je dois avouer que tous mes espoirs ont été comblés !

Alors Soon, c’est quoi ?

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Nous sommes en 2151, quelques jours avant le lancement d’une mission spatiale exceptionnelle dont l’objectif n’est autre que la colonisation d’une nouvelle planète. Un voyage sans retour dont Simone a la chance de faire partie. Quoi que, tout le monde ne voit pas cette mission comme une chance à commencer par son fils, Youri.
Pour leurs derniers jours ensemble, mère et fils entament un road-trip entre les différentes Cités du monde. Ultime réconciliation ou séparation totale ?

Soon est donc un récit futuriste, sur une conquête spatiale à venir. Rien que de très classique me direz-vous. Certes. Mais nous sommes ici avant le lancement où nous suivons les derniers jours sur Terre de celle et ceux qui vont s’embarquer pour ce long voyage sans retour. C’est donc tout autant un roman graphique sur la famille, le destin et nos choix. Un road-trip initiatique, un récit sur l’au revoir, le pardon ou le renouveau. Ajoutez à cela un soupçon d’écologie, une pincée de réflexion sur le futur de l’humanité et vous aurez un petit aperçu de ce qui vous attend à la lecture de cette BD.

Thomas Cadène et Benjamin Adam nous offrent ici un récit dense et diablement bien 2843_P23construit. Tout du long on oscille entre les parties blanches, centrées sur Youri et sa mère, et les parties noires où se dévoile une chronologie fictive des années 2020 à 2151. Les deux parties se répondent et se complètent à merveille ; au fil des pages, les enjeux se dévoilent, l’Histoire se (re)construit. Le graphisme original de Benjamin Adam permet une immersion totale dans l’histoire et participe allégrement à la réussite de ce livre. Tantôt minimaliste, avec une mise en page originale digne d’un jeu de l’oie sur les parties chronologiques. Tantôt épuré pour les parties plus intimes. Un graphisme ambitieux qui détonne avec les illustrations plus classiques dont sont habitués de nombreux.ses lecteur.ices de SF. Ici, l’idée n’est pas d’émerveiller sur des vaisseaux, des architectures ou des paysages mais de rester centré sur l’humain et les relations que nous tissons avec notre environnement (vivant ou non, humain ou non). Un pari qui m’a entièrement convaincue. On se sent comme pris dans une bulle, au plus proche des personnages, tout au long de notre lecture, et pas simple spectateur.

Soon est sans conteste un excellent récit de SF, une BD dense et profonde, portée par un graphisme original, des personnages attachants et des thèmes très forts. À lire et à relire sans modération !

En trois mots : Touchant. Inspirant. Lucide.

 

 

[BD] Révolution Tome 1 – Liberté

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Auteurs : Florent Grouazel et Younn Locard
Éditeur : Actes Sud (l’An 2)
Nombre de pages : 328

Le Peuple attroupé réclame du pain, vous dites : « Donnez-nous des fusils pour immoler le peuple ! »

Je dois avouer qu’avant de commencer cette BD, j’étais plutôt sceptique. Il faut dire que la Révolution française, on croit bien la connaître vu  le nombre de fois qu’elle est évoquée : aux JT, dans des articles, dans des livres, au collège… tout le monde cite la déclaration des droits de l’Homme à tout bout de champs, rappelant que la France est le pays des droits de l’Homme et blablabla et blablabla. Et franchement, une BD pour dire quoi ? On a déjà travaillé cette période : Marat, Robespierre, la Terreur, la prise de la Bastille et la déclaration. Franchement, qu’est-ce qu’il y aurait à dire de plus ?

PlancheS_64397Eh bien tout, justement. Car dès les premières pages de cet ouvrage, on se rend bien compte qu’en réalité, de la Révolution française on ne sait rien. Ou si peu. On nous parle de cette période comme d’une succession de dates, oubliant les hommes et les femmes qui l’ont faite naître. Alors Florent Grouazel et Younn Locard prennent le parti de mélanger Histoire et histoire(s) retraçant cette période à travers une multitude de trajectoires individuelles et inconnues. Ici, nous ne suivons pas Marat ou Lafayette mais Marie, une gamine des rues, Abel, un pamphlétaire breton ou encore la reine Audu, maquerelle en chef des dames poissardes. Les auteurs nous offrent ici une superbe fresque populaire dont le climat social et politique n’est pas sans rappeler celui de notre époque…

Ce fond explosif est servi par un graphisme magnifique, fouillé, foisonnant, rappelant presque des gravures anciennes. Un graphisme dense qu’il faut prendre le temps d’intégrer et de lire tant le niveau de détail est élevé. Une sensation oppressante en ressort parfois, sensation qui retranscrit parfaitement l’ambiance (et le chaos) de l’époque.
Les hommes et les femmes que l’on rencontre au fil de notre lecture sont tous.tes très attachant.es, de par leur authenticité. S’y mélangent personnages réels et fictifs ; aristocrates, ouvrier.es et miséreux.se ; salons chics et rues délabrées ; Assemblée Nationale et hôpital de la Salpêtrière. Un tableau complet de la société de l’époque ! Pas seulement de l’époque, d’ailleurs, plus les pages se tournent et plus on note à quel point cette BD est toujours d’actualité, faisant écho à tous ces soulèvements et ces luttes sociales qui ont lieux à travers le monde…

Liberté n’est que le premier tome d’une trilogie qui s’annonce déjà comme un monument de la bande dessinée. À la lecture de cet ouvrage, c’est bien notre histoire que l’on (ré)apprend et pour cela, je remercie chaudement les auteurs.

Révolution fait partie des albums sélectionnés à Angoulême cette année et il est de très loin mon favori. De part son graphisme foisonnant, détaillé et minutieux, la densité et la justesse de l’histoire, le parallèle discret avec le contexte politique actuel, il est, pour moi, l’album qui mérite le plus le fauve d’or.

En trois mots : Dense. Passionnant. Renseigné.

2019 tire sa révérence – Les meilleures Bulles One-Shot

2019 s’achève. Vive 2019 !

Avant dernier bilan de l’année, dernier bilan BD ! Après mon bilan des meilleures BD de Non-Fiction des meilleures BD jeunesses et des meilleures séries BD, le bilan des meilleurs One-Shot en BD, Ceux qui ont fait chavirer mon cœur et mon cerveau tout au long de l’année ! Je coupe en deux pour une meilleure lisibilité.

PS : Notez que dans tous les top, l’ordre n’a aucune importance.

Qu’est-ce que je retiens de tous ces one-shot lus  ?

♥ Les meilleurs Partie 1 ♥

On commence la tournée des one-shot avec deux ouvrage que j’aurais raté sans la sélection d’Angoulême de l’année dernière : Calfboy et À travers. La première est une BD humoristique toute simple mais dont l’humour fait mouche à chaque page. La seconde est de ce genre de récit inclassable, à la manière d’Ici de Richard McGuire où l’on suit la vie d’un homme à travers le prisme de plusieurs écrans (fenêtres, télé, miroirs, etc.) Difficile à expliquer mais si vous êtes friands de nouvelles expériences et de BD conceptuelles, jetez-vous sur celle-ci !

Toujours dans les sélections, une BD découverte grâce à la sélection de cette année, une BD de SF très intelligente et qui change beaucoup de ce qu’on lit en SF habituellement, j’ai nommé Des milliards de miroirs. Il semblerait qu’une présence extraterrestre ait été détectée à des dizaines d’années-lumières de chez nous. Que faire de cette information ? Qu’est-ce que cela veut dire ? Comment réagir ? Et est-ce vraiment une présence extraterrestre ou les scientifiques pourraient-ils se tromper ? Un scénario intelligent, des personnages authentique, une belle réflexion sur l’humain.

Un comics de superhéros mais qui sort totalement des standards DC-Marvel habituels : Black hand & Iron head, plus qu’un titre de superhéros est un comics sur la famille, les liens familiaux, le mensonge et l’envie de se surpasser pour plaire à ses parents (ici, au père). Tout en se basant dans un monde où les superhéros sont chose commune mais pratiquement obsolète puisqu’il n’y a plus vraiment de crime depuis qu’un homme (aidé de quelques amis à lui), ont rayés le Mal de la planète. Mais à quel prix ? Un one-shot très intéressant et très dynamique. J’espère retrouver les personnages dans d’autres aventures…

Cette année, je voulais lire de l’humour. De l’humour noir. Grinçant. Caustique. Engagé. De l’humour à la Fabcaro mais sans que ce soit du Fabcaro. De l’humour absurde qui se sert de cette absurdité pour mieux dénoncer les travers de notre vraie société. De l’humour qui tape sur les politiques, l’enseignement, les lois, la politique d’immigration. De l’humour qui va gratter là où ça fait mal. J’ai trouvé Faut pas prendre des cons pour des gens. Et c’est drôle. Très drôle. Tout simplement.

Pour rester dans l’humour, mais un humour moins absurde et plus dérangeant, un humour de satire sociale j’ai eu un sacré coup de cœur avec La fin du monde en trinquant. Cette BD est assez surprenant parce que quand j’ai eu finir de lire cette BD, j’étais mal à l’aise. Je n’étais pas sûre de l’avoir appréciée. Pensez-vous, dans ce récit, rien ne s’est déroule comme on le prévoit, comme on l’espère, comme ça devrait se dérouler normalement dans une BD classique avec une morale toute convenue. Et j’étais frustrée. En désaccord total. Mais cette BD reste en tête. Elle nous travaille. Nous interroge. Nous place face à nos contradictions. Face à notre morale classique qui n’est pas forcément au plus proche de la réalité. Ce qui, en fin de compte en fait une BD géniale. Mais il faut accepter d’être pris à contrepieds.  Avec le recul, c’est un vrai coup de cœur. Mais pas le coup de cœur immédiat. Plutôt un coup de cœur qui revient à la charge, qui ne sort pas de notre esprit, un cou de cœur à digérer.

Autre ambiance, autre temps, autre lieu avec Dans un rayon de soleil. Un pavé, un beau, un vrai. Un pavé de SF mais si éloigné de la SF habituelle que j’ai plus envie de parler d’un pavé de poésie (ici, pas de Space-Opéra, pas d’invasions, pas d’extraterrestres, de colonisation, pas d’hommes, pas de révolte, de société malade, de post-apo ou de fin du monde). Un pavé très silencieux où l’on se laisse porter par le flot de l’histoire, on se laisse surprendre, on s’émerveille, on s’attache. Mêlant passé et présent, grands espaces et huis-clos scolaire, rupture et romance. C’est beau, c’est fin, c’est fort. Décidément, Tillie Walden est une jeune autrice pleine de talent *_*

Enfin, une BD engagée sous forme de conte pour terminer cette première partie de coup de cœur, avec Fille et loup. Ou comment s’accepter telle que l’on est, renouer avec le sauvage en nous, apprendre à dire non et à (s’)assumer. Une BD pleine de métaphore, au graphisme nerveux, sauvage qui colle parfaitement à l’ambiance. Un récit qui nous surprend, des personnages attachants de par leurs défauts et leurs faiblesses. Et une fin pleinement satisfaisante. Du tout bon, quoi !

♥ Les meilleurs Partie 2 ♥

Un de mes plus GROS coup de cœur de l’année est pour Soon, ce one-shot SF d’une rare intelligence, au graphisme splendide et au propos profond comme j’aime. Le genre de BD dans la lignée de Shangri-la (mais en bien plus abouti pour moi) qui nous met face à des questions et des contradictions humaines particulièrement importantes ! Dense, profond, intelligent. L’incontournable à lire ! Je suis hyper déçue qu’il ne fasse pas partie de la sélection d’Angoulême…

Un coup de cœur tout simple pour Trap, de Mathieu Burniat. Une BD muette où l’on suit un homme préhistorique qui récupère les capacités des animaux en enfilant leur peau. Un scénario tout simple mais qui nous tient tout du long, un dessin coloré et très expressif, deux personnages très attachants. On mélange, et ça donne cette BD qui se lit vite, certes, s’apprécie vite mais ne s’oublie pas de sitôt.

Pour contrebalancer cet humour facile (mais génial !), une BD plus sombre, passée un peu inaperçue, centrée sur les méandres de l’âme humaine et de l’instinct de survie avec La marche. On revient dans une ambiance Russe et bourgeoise avec une groupe d’une dizaine de personne fuyant la révolution à travers de grandes steppes glaciales et enneigées. Jusqu’ici, tout va (presque) bien. Mais quand l’une des calèche est détruite et qu’il n’en reste qu’une pour dix… comment survivre ? C’est beau mais particulièrement désillusionné. Le graphisme noir et blanc, proche d’un graphisme à la Chabouté rajoute une ambiance pesante qui colle à merveille avec le propos. À ne pas lire un soir de pluie et de déprime…

Encore une BD présente dans la sélection Angoulême de cette année, encore une pépite inattendue ; j’ai nommé : La Traversée. Une traversée à la manière des théâtre de marionnettes de deux hommes qui vont à la guerre combattre l’Ennemi. L’auteur profite de cette excuse pour nous parler de foi, d’aveuglement, d’humanité, d’absurdité de nos politiques et de nos décisions, de l’Autre. C’est loufoque mais profond, surprenant et bourré de référence. Une BD difficilement résumable mais qui se savoure comme un bonbon acidulé !

Plus attendue, la nouvelle BD de Jérémie Moreau. Un auteur dont j’apprécie beaucoup le travail, surtout pour son diptyque Max Winson. Dans sa nouvelle BD, Penss et les plis du monde, il nous embarque aux temps préhistoriques, au côté d’un homme hors de son époque, un penseur contemplatif qui veut comprendre le monde et surtout la Nature. Et si une fois comprise, on pouvait la dompter cette Nature ? La plier à nos envies et nos besoins ? Une BD très intéressante, qui touche beaucoup de thèmes et nous amène à nous interroger à notre propre rapport au monde. Très fin, très intéressant. Une des BD les plus abouties de l’auteur !

Dans la continuité des BD engagées et qui font réfléchir, j’ai eu un très beau coup de cœur avec Les deux vies de Pénélope. Où l’histoire d’une femme qui vit à contrepied de ce que la société moderne attend d’une femme. Elle a un mari et une fille mais en tant que chirurgienne de guerre, passe les trois quart de l’année en Syrie. Loin de sa famille, de sa « fonction » de mère et d’épouse. Une BD qui ne plaira pas à tout le monde (et qui n’a pas plus à tous.tes les client.es à qui je l’ai conseillée) pour le coup de pieds qu’elle met dans la fourmilière des attentes familiales. Mais une BD que j’ai pour le coup beaucoup aimé, qui présente un autre schéma, sans jugement, sans exagération, sans larmoyance. Bref, un récit très juste sur quelques semaines dans la vie d’une famille qui est tout sauf classique. C’est typiquement le style d’histoire et de modèle que j’aimerais plus trouver dans les livres (Bulles ou non). Attention par contre : à lire en laissant ses a priori et ses jugements au placard !

À l’inverse, le coup de cœur angoissant, déchirant, étouffant de l’année va sans hésitation à Speak. Un récit-témoignage d’une grande force sur l’après viol. Ô combien dure à lire mais Ô combien nécessaire dans notre société qui stigmatise encore trop les victimes pour protéger les coupables. J’en ai eu le ventre serré plusieurs jours après ma lecture… Terriblement magnifique, terriblement important (et de devoir écrire qu’un tel récit est encore terriblement important me déchire et me fous en rage…)

Enfin, pour finir sur une note moins plombante, l’une des BD les plus attendues de l’année : Les Indes Fourbes du duo Guarnido (Blacksad) et Ayroles (De cape et de crocs ou Garulfo). Typiquement le genre de BD que je lis avec circonspection, m’attendant à être ultra déçue par rapport à tout ce qui en est dit. Et le début, longuet, semblait me donner raison. Mais ce début si long à se mettre en place et justement long pour mieux servir le reste de l’intrigue. En fin de compte, c’est une BD plus que surprenante qui nous amène de révélations en révélations, de mensonges en mensonges, de filouteries en filouteries jusqu’à l’apothéose du dénouement final. Une vraie réussite, un vrai plaisir de lecture.

Retenons aussi

2019 tire sa révérence – Les meilleures Bulles en séries

2019 s’achève. Vive 2019 !

Après mon bilan des meilleures BD de Non-Fiction et des meilleures BD jeunesses, je livre ici mes coups de cœur de l’année des séries BD, comics et mangas.

PS : Notez que dans tous les top, l’ordre n’a aucune importance.

Qu’est-ce que je retiens des séries BD lues cette année ?

♥ Les meilleurs Tome 1 ♥

Une belle moisson de séries cette année, des albums prometteurs dont je suivrai la suite avec attention. De la SF, de l’historique, du super-héros, du réaliste, du thriller… tout y passe !

L’un de mes PLUS GROS coup de cœur de l’année n’est autre que Le château des animaux tant pour son graphisme à tomber que pour l’histoire et la portée philosophique qu’elle a. Le genre de récit qui résonne particulièrement avec mes engagements tous récents ! Je ne pense pas – de part son format trop classique – qu’il remporte le prix Angoulême (mais si le jury me fait mentir, aucun problème !) mais je lui souhaite au moins le prix du public ou le prix révélation. Il le mérite amplement.
Mon second TRÉS GROS coup de cœur est pour Révolution. Moi qui ne suis pas forcément le meilleur public pour l’historique, là j’ai été plus que conquise. Déjà, le graphisme est sublime, dense, très fouillé. Ensuite, les auteurs décident de parler de la Révolution française (période que l’on pense maîtriser du peu qu’on en a vu à l’école…) non pas du point de vue des puissants mais du point de vue du peuple. Enfin ! Et sans tomber dans des personnages clichés ! On lit cette BD comme une enquête-reportage, suivant au plus près chacun des personnages. Le tout fait diablement écho aux révolutions actuelles qui ont cours un peu partout. De part sa qualité graphique, esthétique et scénaristique, c’est l’album de la sélection d’Angoulême qui me paraît le plus mériter le fauve d’or.

Du polar, de l’enquête avec le très bel objet qu’est Dans la tête de Sherlock Holmes. Un graphisme nerveux qui colle à merveille au personnage, une lecture originale qui ne suit pas les codes stricts de la BD pour le plus grand plaisir des lecteur.ices ! L’enquête est classique, certes, mais tout le génie de cette BD tient dans le choix de nous laisser entrer dans le palais mental de Sherlock Holmes pour comprendre comment il lie chaque indice, les trie, les met de côté. Un peu à la manière de la série britannique Sherlock. Du très, très bon, hâte d’avoir la conclusion dans le second tome !
Un inattendu dans toutes ces BD : Erika et les princes en détresse. Soyons honnêtes (et c’est mon expérience de libraire qui parle ici, sans le moindre mépris ou la moindre condescendance), les ouvrages auto-édités sont très largement mauvais (ce qui ne veut pas dire que tous les ouvrages édités à travers le prisme d’une maison d’édition sont bons, loin s’en faut, mais au moins ont-ils bénéficié d’un travail de relecture). Aussi, je ne partais pas des plus convaincue en commençant cet album. Eh bien BIM !, bien fait pour mes préjugés car cette BD est une pépite d’humour et de féminisme. Les codes de la société sont changés, ici ce sont les princesse qui délivrent les princes en détresse. Dans ce premier tome, le conte de Blanche-neige (Blanc en neige) est totalement détourné pour donner la part belle aux femmes. C’est drôle, c’est fin, c’est libérateur. À quand le 2 ?
Dans la catégorie des excellentes BD noires, sombres à souhait, je demande Le vagabond des étoiles, adaptation du roman éponyme de Jack London (que je n’ai hélas pas lu mais je compte bien combler cette lacune dans l’année). Un thriller fantastique où un prisonnier parvient, sous certaines conditions, à remonter dans ses vies antérieures. Simple mais terriblement efficace !
Pas de coup de cœur SF ? Beaucoup sur des one-shot, si. Beaucoup moins sur les séries. Heureusement, Univers ! est là pour rééquilibrer la balance ! Un recueil de nouvelles déjantées qui pousse à son paroxysme certains concepts futuristes (voyage dans le temps, robotiques, etc.). C’est d’une grande intelligence !
Un comics coup de cœur avec Luminary, comics de superhéros français ! Avec Brunschwig au scénario, ça avait quatre chance sur cinq d’être génialissime. Et vous savez quoi ? Ça l’est ! Manipulation génétique, supers-pouvoirs, ségrégation, psychologie, handicap… tout y passe ; sublimé par le dessin de Stéphane Perger qui a un véritable DON pour dessiner le feu et la lumière ! Vivement la suite car ce tome 1, on le sent, n’est qu’une mise en bouche.

Enfin, de très belles découvertes en manga cette année. Moi qui n’en suis pas forcément friande et qui n’ait pas été biberonnée aux animés, j’ai eu de belles surprises ! Avec Beastars tout d’abord, tant pour le graphisme qui change radicalement de ce que l’on trouve d’habitude, que pour la finesse de l’histoire et l’authenticité des personnages. Un manga qui mélange tranche de vie et enquête, lycée et mixité sociale, psychologie sombre et innocence. Le tout savamment dosé pour une lecture addictive.
Deuxième bonne surprise : Les liens du sang. Une série génialement malaisante dont les japonais ont le secret. On trouve rarement ce genre d’ambiance lente, contemplative et borderline en BD. L’histoire d’une mère et de l’emprise qu’elle a sur son gamin, le tout dans un graphisme très épuré, très silencieux. Malaise, malaise, quand tu nous tiens. Excellent ! J’ai hâte de voir où l’auteur nous mène et comment cela va finir !
Autre belle découverte, Le bateau de Thésée. Si le scénario peut faire penser à Erased au premier abord, le traitement est bien plus fin ici, je trouve. Le personnage principal plus intéressant et l’enjeu de base moins classique. À voir maintenant si le traitement tient la route et si l’auteur ne se perd pas dans cette histoire mêlant drame familial, voyage dans le temps et enquête.
Ambiance bien polar toujours mais autre traitement : My home hero. L’histoire débute très fort avec ce monsieur-tout-le-monde qui tue le gosse d’un Yakuza et qui va tout faire pour cacher ce meurtre et protéger sa famille. Un récit sombre et tendu à souhait. Particulièrement bien documenté aussi (il y a un côté Breaking Bad qui me plait beaucoup…), si vous voulez apprendre à vous débarrasser d’un corps, c’est le manga qu’il vous faut… On pourrait malgré tout craindre un essoufflement si la série est trop longue mais je continuerai à la suivre sur 2020 !

Retenons aussi

 

♥ Les meilleures suites ♥

 

Ah, les suites, ces tomes 2 (ou 3, 4, 5…) si attendus qui risquent bien souvent de nous tomber des mains parce que ce n’est pas ce que l’on avait imaginé, que l’on ne voulait pas que l’action tourne ainsi. Quand même, comment l’auteur.ice a pu tuer ce personnage ! Et pourquoi une ellipse de dix ans ? C’est pas crédible tout ça. Faire une série est un sacré pari. Et faire une bonne série, un sacré challenge ! Quelles séries ont donc passer le test cet année ?
La suite que j’attendais le plus était sans doute le tome 2 de Un monde en pièce. Le premier avait été l’un de mes GROS coup de cœur de l’année précédente et je trépignais fébrilement en attendant la suite. Et laissez-moi vous dire qu’elle est à la hauteur, si ce n’est plus ! L’univers s’approfondit, le scénario se complexifie, les personnages prennent de l’ampleur. Et la fin, tout aussi explosive que celle du 1 nous donne envie de nous jeter sur la suite. Une série qui reste parmi mes préférées de ces dernières années !
La suite que j’attendais mais sans plus et qui m’a convaincue que si, la série est ex-cel-lente, c’est bien Stand Still Stay Silent tome 2. Le premier m’avait intriguée et assez intéressée pour lire la suite mais je l’avais trouvé un peu lent à se mettre en place. Le second est un gros coup de cœur et m’aura accroché de la première à la dernière page. Une série douce et profonde qui monte en puissance, vivement le 3 *_*
La suite la plus glauque que je trépignais de lire ? RIP tome 2, bien sûr ! Le premier était bien sale comme il faut, le second l’est moins mais la lecture est toute aussi bonne ! Ici, l’ambiance est plus mafieuse, le personnage de Maurice est plus attachant que celui de Derrick. On commence à prendre conscience du lien qui relie tous ces personnages disparates, sans pour autant avoir tous les éléments en mains. Du coup, que dire d’autre à part : vivement la suite ?
La suite qu’on attendais depuis deux ans et pour laquelle il faudra attendre encore deux ans pour le tome 3 ? La horde du contrevent tome 2, bien sûr. Le roman est sans doute un des meilleurs roman que j’ai pu lire, j’en attends donc beaucoup de son adaptation. Pour l’instant, je suis totalement convaincue des choix de Eric Henninot et c’est un délie de se replonger dans cet univers, de le voir prendre forme et corps sous nos yeux. Plus qu’à attendre deux ans pour la suite, s’il continue sur ce rythme 😦
Et l’oscar de la série découverte dans l’année que je regrette de ne pas avoir lu plus tôt est pour Homicide : une année dans les rues de Baltimore. Un docu-fiction intelligent est hyper intéressant sur la Brigade criminelle de Baltimore. Certes, nous sommes dans les années 1988 mais je ne pense pas qu’il y ait eu de grand changement depuis (à part pour les ressources technologiques). C’est passionnant de déconstruire et reconstruire l’image de la police, en la présentant sous un jour honnête et nos plus de manière fantasmée Hollywoodienne. Une lecture dense mais excellente dont ce quatrième tome (pas mal accès sur les médecin légiste) est pour moi le plus aboutit.

2019 tire sa révérence – Les meilleurs Bulles jeunesse

2019 s’achève. Vive 2019 !

Après mon bilan des meilleures BD de Non-Fiction, je livre ici mes meilleures lectures BD (et manga) jeunesse. Notez que dans tous les top, l’ordre n’a aucune importance.

Qu’est-ce que je retiens de cette année de lecture BD jeunesse ?

♥ Les meilleurs ♥

Beaucoup de sorties jeunesse cette année mais pas beaucoup de coup de cœur, proportionnellement. J’espère que 2020 sera une année plus intéressante parce que j’ai l’impression que ça fait deux ans que la jeunesse stagne un peu en terme de qualité… Heureusement j’ai quand même eu quelques coups de cœur qui valent largement le détour (et plutôt deux fois qu’une !).
Une suite tout d’abord avec le troisième tome d’Aubépine, qui confirme la qualité et la pertinence de la saga. Un troisième tome avec toujours autant d’humour, d’aventure, de personnages attachants et un scénario totalement loufoque mais génial !
Une BD très attendue ensuite et qui ne m’a pas déçue : Lulu & Nelson d’Aurélie Neyret (et Charlotte Girard, et Jean-Marie Omont). Et la qualité de l’album est à la hauteur de l’attente. Déjà, c’est un plaisir de retrouver le graphisme d’Aurélie Neyret. Ensuite, la série s’annonce très profonde et traite (pour le moment avec justesse) de la notion de liberté. Un album pertinent et très fin qui amènera les enfants à réfléchir sur pleins de questions très importantes. Un album un peu sombre aussi (il faut dire que Lulu subit deux pertes majeures dans les premières pages de l’album) mais savamment dosé pour ne pas tomber dans le plombant (en même temps heureusement, c’est quand même un album jeunesse) et cette ambiance plus sombre et plus adulte ne fait que renforcer l’empathie que l’on éprouve pour cette gamine.
Une merveille ensuite (sans mauvais jeu de mot) avec Les Vermeilles. Un petit bijou de beauté pour les yeux, de douceur et en même temps, un fond très engagé avec cette histoire à la Alice au pays des merveilles où l’on suit une gamine qui va aider une bande d’animaux à renverser un chat dictateur. C’est beau, c’est profond, ça fait rêver, ça fait réfléchir. Que demander de plus ?
Deux albums dont je n’attendais rien m’ont vraiment surprise et captivée. Le fils de l’ursari tout d’abord, pour lequel je n’ai pas eu l’occasion de lire le roman éponyme (je ne peut donc pas comparer) qui m’a beaucoup touchée. Bien sûr, c’est pour la jeunesse alors certains passages sont édulcorés ou traités rapidement, mais c’est une belle manière de parler de l’immigration et des pressions, du trafic ou des violences que peuvent subir ces personnes. Autre ambiance, autre décors avec Toni, passé plutôt inaperçu (et c’est bien dommage). J’ai beaucoup apprécié cet ouvrage qui revient sur la valeur des biens. Très pertinent dans notre société de surconsommation ! On suit un gamin qui rêve d’avoir les supers chaussures de foot de son joueur préféré mais sa maman refuse de les lui prendre. Il se met alors en tête de se les acheter lui-même. C’est frais, drôle et très intelligent !
Et enfin, un petit manga dans cette sélection :  Magus of the Library. Je n’ai lu que deux tomes pour l’instant mais ils furent suffisants pour me convaincre de la beauté de cette série, tant graphiquement que pour l’histoire. Un récit à rapprocher de l’Atelier des sorciers où les livres sont d’une grande puissance, maniés avec précautions par les bibliothécaires. Une petite merveille de douceur et d’aventure. J’espère que la suite restera à la hauteur !

Retenons aussi

2019 tire sa révérence – Les meilleures Bulles Non-fiction

2019 s’achève. Vive 2019 !

L’année écoulée fut pour moi riche, passionnante et très positive. Une année sous le signe de l’impulsion et du renouveau. Sans rentrer dans les détails qui n’intéressent sans doute personne, ce fut une année de recherches, d’approfondissement de mes convictions, de remise en question et d’implications. J’ai terriblement hâte de continuer tout cela sur 2020. Mais forcément, ce fut une année de quasi absence sur ce blog. J’ai beaucoup réfléchi à ce que je voulais (et ne voulais pas), me demandant l’utilité d’un blog si c’est pour ne pas poster. Mais le truc, c’est que je veux pouvoir échanger et présenter mes coups de cœur ici ; mettre des articles pas forcément en lien avec mes lectures sur des sujets qui me passionnent. Alors il va falloir que je trouve du temps et une manière de mettre cela en place (une manière sans doute moins conventionnelle que ce que je faisais jusqu’alors, mais qui me correspondrait plus). On va dire que c’est mon objectif principal pour ce blog sur 2020 !

En attendant, je souhaitais quand même faire un retour sur toutes mes lectures de l’année, pour ressortir le meilleur de tout ce qui m’est passé sous les yeux. Comme il y a eu beaucoup de belles choses cette année (et qu’en tant que libraire mon travail consiste à lire beaucoup), j’ai pas mal de BD, de mangas et de comics à vous présenter. Quelques romans et non-fiction aussi mais moins nombreux. Ils attendront leur tout. En attendant, je coupe tout ça en plusieurs billets thématiques pour présenter un maximum de mes coups de cœur !

Qu’est-ce que je retiens de cette année de lecture BD non fiction ?

BD reportages – documentaires – vulgarisation scientifiques

♥ Les meilleures ♥

Des très belles et bonnes surprises, dans des styles et des thèmes très différents.
Très attentive aux ouvrages féministes, je ne pouvais passer à côté de Sea, sexisme & sun paru cette année, une excellente BD qui vulgarise et explique le sexisme ordinaire. Dans la même veine, la dernière BD d’Emma, Des Princes pas si charmants reste aussi pertinente que ses précédentes. Même si je conseille de commencer plutôt par les deux volets d’Un autre regard. Je n’avais pas lu l’ouvrage Féministes ! paru en 2018, c’est désormais chose faite et c’est un excellent recueil qui laisse la parole à seize autrice sur seize sujets féministes différents ! Beaucoup plus dense mais qui pousse à la réflexion, nous avons La rose la plus rouge s’épanouit. Un ouvrage particulièrement renseigné qui remet en question le Couple et l’Amour tels qu’ils sont définis dans notre société. Du pur essai en BD, passionnant mais pas forcément le plus accessible. Enfin, Putain de vies ! est un reportage-témoignage autour des travailleur.euses du sexe particulièrement intéressant qui ne porte aucun jugement sur les témoignages de toutes ces personnes.
L’écologie est un autre thème qui me tient à cœur et je n’hésite pas à lire au maximum ce qui se fait (et hélas, il n’y a pas encore beaucoup d’ouvrages et parmi ceux qui sortent, tous ne sont pas pertinents, à mes yeux). L’un de mes favoris de l’année ? Le court manifeste d’Emma (oui, encore elle), Un autre regard sur le climat, est tout bonnement excellent. Il va à l’essentiel, est particulièrement bien construit et bien renseigné (comme toujours avec elle, notez). Autres choses ? Deux reportages qui me sont tombés des mains. Algues vertes – l’histoire interdite tout d’abord. Un reportage glaçant sur ce fait que tout le monde connait mais contre lequel personne (parmi les politiques tout du moins) ne fait rien. Édifiant ! Texaco ensuite m’a tout autant glacée. Il s’agit du plus gros scandale pétrolier qui court depuis 1972 mais dont personne n’a jamais entendu parler. En même temps, c’est en Équateur, qu’est-ce qu’on en a à faire de l’Équateur ? Horrible. Terrible. Frustrant. À vomir. Une BD qui énerve mais dont la lecture est, à mes yeux, indispensable.
Plus sociales (et politique ?) mais tout autant engagés, trois reportages passionnants : La recomposition des mondes d’Alessandro Pignocchi tout d’abord. Un récit qui revient sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes pendant les expulsions d’avril 2018. Une plongée passionnante qui permet de mieux appréhender cette société parallèle dont on entend régulièrement parler sans forcément se rendre compte de quoi il s’agit, comment elle s’est construite et pourquoi (ou pour quoi (ou plutôt contre quoi)). Le second, Mentawaï  ! n’est pas le plus accessible mais s’avère tout aussi fascinant. Il revient sur ce peuple d’une des îles indonésienne, menacé par le gouvernement de voir sa culture disparaître  ; et sauvé par le tourisme (plus ou moins). En arrière fond, on trouve une critique des documentaires filmés vraiment intéressante. Très fin ! Enfin, Une saison à l’ONU,  tiendrait plus du témoignage que du documentaire s’il n’apportait pas autant de réponses sur les dessous de cet organisme mondial que tout le monde connaît sans pourtant rien savoir de son rôle et de son fonctionnement. Plus classique dans la narration, certes, mais ça n’enlève rien à la pertinence du propos !
Et l’intrus dans toutes ces BD écolo-socio-politico engagées : une BD de vulgarisation scientifique absolument convaincante, simple d’accès et hyper claire : Quantix qui nous (ré)explique en 200 pages la physique quantique. J’en suis ressortie bouche bée (et avec une impression d’intelligence exacerbée).

Retenons aussi

 

BD témoignages – biographiques

♥ Les meilleures ♥

Je ne sais pas pour vous, mais je trouve les biographies bien plus lisibles, accessibles et intéressantes en BD ! Cette année, sur toutes mes lectures, j’en retiens surtout deux : Annie Sullivan & Helen Keller tout d’abord. Tant pour l’histoire que le graphisme qui l’accompagne à merveille. On revient sur la vie de cette jeune fille née sourde et aveugle qui, à l’aide de sa préceptrice Annie Sullivan, va  réussir à appréhender le monde et à s’y intégrer. Une histoire inspirante et très délicate. Moins douce, plus engagée, on trouve la BD Noire – La vie méconnue de Claudette Colvin . Un récit très pertinent, sur cette jeune fille méconnue (et on comprend pourquoi au fil de la lecture (la raison est révoltante !)) qui refusa de s’asseoir à l’arrière des bus ; au même titre que Rosa Parks (mais alors, pourquoi l’Histoire n’a retenue qu’elle ?).
Enfin, pour terminer ce tour des meilleures BD non-fictions viennent quatre témoignages qui m’ont particulièrement touchée. Le premier, celui de John Rachid, Comme on peut, retrace sa jeunesse dans des foyers de l’enfance et auprès de familles d’accueil. Mes parents baignant dans ce milieu, je souhaitais à tout prix découvrir cette BD du point de vue des accueillis et je ne le regrette pas le moins du monde. C’est honnête, très juste, drôle, touchant et plein de recul. Bienvenue en Chine ensuite  retrace le parcours de l’auteur pour monter sa boîte en Chine et s’y installer. Très instructif ! Plus classique mais ça n’enlève rien au plaisir de lecture. Moins drôle mais tout aussi important, le témoignage de Sophie Lambda sur sa liaison toxique avec un pervers narcissique dans Tant pis pour l’amour. Un récit très fort qui reprend chacune des étapes de sa liaison et comment elle a réussi (avec beaucoup de difficultés) à s’en sortir. Très fort. Enfin, le second tome de L’Odyssée d’Hakim m’a autant convaincue que le premier (si ce n’est plus) sur le parcours de ce jeune syrien de son pays jusqu’à la France. Une sorte d’arabe du futur mais en plus pertinent (à mes yeux).

Retenons aussi :

[BD] Algues vertes – L’histoire interdite

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Auteurs :
Inès Léraud et Pierre Van Hove

Éditeur : La Revue dessinée/Delcourt
Nombre de pages : 160

Nous sommes en juillet 2009, le cadre est idyllique : la Bretagne, la mer, les embruns… mais la réalité l’est beaucoup moins. C’est ce que découvre Pierre Philippe, médecin à Lannion, lorsqu’il rencontre un vétérinaire dont le cheval est mort d’asphyxie sur une plage proche. En cause ? Les algues vertes, véritable fléau écologique, qui, lors de leur décomposition, dégagent de l’hydrogène sulfuré, mortel à forte dose. En quelques années, ce ne sont pas moins de trois personnes et d’une quarantaine d’animaux qui en ont fait les frais.
Et pourtant… pourtant, dix ans après les algues vertes persistent. Rien – ou si peu… – n’est mis en place pour endiguer ce phénomène si ce n’est les récolter de temps en temps et fermer des plages entières aux habitants et aux touristes.
Mais pourquoi ?
Pourquoi rien n’est réellement mis en place face à l’ampleur de la situation ? Pourquoi toute cette affaire traine et ne fait pas la une des journaux ?

9782413010364_pgPar ce reportage, Pierre Van Hove et Inès Léraud tentent de répondre à cette question. Des débuts de l’agriculture intensive en Bretagne aux repas entre politiciens et lobbys de nos jours, rien n’échappe à leurs investigations, dignes des meilleures séries policières. Et leur travail n’aura pas été de tout repos : entre silence des élu.es, puissance des lobbies, falsifications des preuves ou conflits d’intérêt, ils se seront heurtés à bien des problèmes tout au long de cette enquête ! Preuve, s’il n’en fallait qu’une, qu’aujourd’hui encore, les algues vertes sont un sujet extrêmement sensible qui touche et divise toute la population bretonne.
Pour les plus sceptiques, les auteurs n’ont pas hésité à fournir en annexe tous les documents récoltés durant cette recherche approfondie.

Un reportage pointu, terriblement intéressant ! Les auteurs auraient pu faire une BD dénonciatrice sans aller plus loin mais ils reviennent sur l’évolution du métier d’éleveur et d’agriculteur au fil des années pour expliquer comment on en arrive là ; et plus que les professionnels, ce sont surtout les politiques et le lobbys qui sont pointés du doigt. En lisant cette BD, attendez-vous à aller de (mauvaise) surprise en (mauvaise) surprise…

« Documenter l’histoire des algues vertes, c’est raconter l’histoire de l’agriculture en Bretagne. »

En trois mots : Documenté. Glaçant. Édifiant

Angoulême et moi partie 2 – La sélection officielle

Après le détail des sélections Jeunesse et Polar, passons la sélection officielle au crible !

La sélection officielle et moi : 24/45 lus

Mon chouchou :

9791090724471-475x500-1Moi, ce que j’aime c’est les monstres ; une claque, un chef-d’œuvre qui a déjà raflé tous les prix (ou presque). Que ce soit par le graphisme, le scénario, les personnages ou les références, ce roman graphique est parfait. Ça ne me surprendrait pas du tout (et ce serait Ô combien mérité) si c’était celui-ci qui était désigné comme étant le meilleur album !

Mes quatre étoiles :

9782203121935FSAilefroide – altitude 3954 ; un roman graphique autobiographique très fort sur la fin de l’adolescence, la montagne, les rêves, l’espoir, la désillusion, etc. Jean-Marc Rochette y raconte sa jeunesse, lorsqu’il rêvait de devenir guide de haute montagne. Le graphisme est spécial, aussi brut et cassé que le récit. Un très bel album !

9791035201708-475x500-1À travers ; une BD muette très originale et pleine d’émotion malgré le graphisme minimaliste. On suit la vie d’un homme de sa naissance à sa mort, à chaque étape de sa vie. C’est délicat, subtil et bien pensé. Je le verrais bien en prix spécial du jury ; pour souligner la finesse du travail de l’auteur.

9782344011881-475x500-1.jpgIl faut flinguer Ramirez Tome 1 ; un polar déjanté (que fait-il dans la sélection officielle ?) qui reprend les codes des polars des années 60 pour les détourner et les remodeler totalement. Suivez Ramirez, un vendeur d’aspirateur muet qui serait aussi, semble-t-il, le plus grand criminel de tous les temps. C’est frais, drôle et bien pensé ! L’album vient de recevoir le prix des libraires canal BD et je le vois bien rafler aussi le prix du public.

9782505071853FSMalaterre ; une BD que j’ai beaucoup aimée, qui possède une très grande force narratrice, surtout pour dépeindre la relation père-fils. On suit la vie d’un homme aux rêves démesurés, prêts à tout pour les réaliser. Sans prendre conscience qu’il écrase dans le même temps chaque personne qu’il rencontre ou qui vit avec lui. Un excellent album ! Je vois bien le prix du public soit pour Il faut flinguer Ramirez, soit pour celui-ci.

9782330108373-475x500-1Les Rigoles ; un album au graphisme très particulier, plein de couleurs et de textures pour décrire une nuit dans le quartier des Rigoles, au côté de plusieurs jeunes de différents milieux sociaux. C’est très intéressant, très instructif mais aussi très dense et psychédélique. La critique sociale et juste, pour autant je ne suis pas sûre que ça parle à tout le monde.

9791026813941-475x500-1Royal City Tome 2 ; le premier m’avait convaincue mais j’attendais la suite, le second m’a complètement captivée (alors même que l’on revient sur le passé des personnages et qu’il ne fait pas avancer directement l’histoire). Une ambiance typiquement états-unienne où la ville est un personnage à part entière qui emprisonne et asphyxie le reste des protagonistes. Fascinant !

Et les autres :

9782844146700-475x500-1Alice dans le Sussex ; moui, je dois dire que je ne sais pas trop quoi en penser de celui-ci qui réinterprète à sa sauce Alice aux pays des merveilles.  On retrouve le côté loufoque et déjante… peut-être même un peu trop. La BD se lit bien, elle a quelque chose de fascinant lors de la lecture mais on en sort comme on y est entré. Et à la fin reste cette question : finalement, tout ça pour quoi ? Vite lu, vite oublié, hélas.

9782369120476-475x500-1Bezimena ; je vois bien toutes les qualités de cette BD tant sur le fond que sur la forme mais de prendre pour protagoniste un pédophile et d’essayer d’expliquer ses pulsions… ce n’est pas pour moi. J’ai été terriblement mal à l’aise tout au long de la BD et je me suis sentie soulagée de la terminer. Beaucoup trop dérangeante. L’idée même d’érotiser les fantasmes d’un pédophile me glace. Une grande BD je pense mais clairement pas pour moi…

9782344026113-475x500-1Blue Giant Tome 3 ; une série de manga très sympathique sur le jazz et un ado japonais qui, de nos jours, souhaite devenir un grand jazzman. Blue Giant fait découvrir des chanteurs et compositeurs peu connu et la série met en lumière un style musical pas souvent évoqué (surtout en manga) mais je trouve le traitement too much, hélas. Trop shonen. Avec des expressions et des réactions sur exagérée. J’ai bien aimé, je lirai cette série jusqu’au bout mais j’aurais préféré quelque chose de plus sensible.

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Bolchoï Arena Tome 1 ; le scénario, les personnages et l’univers ont un sacré potentiel mais ce premier tome ne m’a pas entièrement convaincue. Heureusement, la fin rehausse tout ça (même si elle est assez attendue). Tout manque d’épaisseur, de profondeur, jusqu’au graphisme un peu trop effacé et pâle qui ne m’a pas permise de me sentir impliquée dans l’histoire.

9782205077834-475x500-1Charlotte impératrice Tome 1 ; une BD pour laquelle je n’attendais rien et qui m’aura surprise en bien ! Ce n’est certes pas la BD de l’année, le scénario reste classique et le graphisme aussi mais j’ai aimé le traitement qui évite pas mal de cliché et qui replace bien le contexte historique. Une bonne surprise donc !

9782369902485-475x500-1Courtes distances ; typiquement le genre de BD qui se veut (et qui est sans doute) très profonde, contemplative, pleine de douleur, de douceur et de sous-texte mais dont je suis passée totalement à côté. J’ai trouvé ça long, creux et ennuyant. J’ai très vite accroché aux personnages pourtant… et puis l’histoire tire, tire, tire en longueur sans qu’il ne se passe rien. Alors au bout d’un moment, j’ai lâché.

9782070599769-475x500-1Claudine à l’école ; bon, je sais que c’est l’adaptation d’un roman, c’était une autre époque, tout ça, tout ça, mais alors j’ai détesté cette BD. Tout dans le (mauvais) jugement, les clichés, les (soi-disant) bonnes mœurs et les hypocrisies. Une femme qui couche avec plusieurs gars ? Oh mon Dieu la trainée ! Surtout qu’elle se fait aussi entretenir par une femme. Quelle manipulatrice ! Et vas-y donc que je rabaisse, que je commente, que je me rebelle faussement, que je fasse ma fille (avec tout ce qu’il y a de péjoratif dans l’idée, parce que tout le monde sait qu’une fille ne parle que de garçon, de vêtement et déteste ses rivales, tout en étant frivoles et hystérique)… c’est totalement à l’antithèse de mes valeurs ! Qu’est-ce qu’elle m’aura gonflée celle-là durant ma lecture !

9782369902560-475x500-1Deux femmes ; une BD intéressantes qui donne le point de vue de deux femmes avant et après leur rencontre. La manière dont elles évoluent par rapport à leurs rêves et leurs envies. C’est simple et plutôt bien fait mais alors qu’est-ce que c’est déprimant sur la condition de la femme et le poids des traditions ! Ça vaut pour la Corée ici mais ça fait aussi pas mal écho à notre culture occidentale…

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Les grands espaces ; un beau regard sur l’évolution de nos campagnes, avec quelques critiques bien sentie. C’est doux mais un peu trop simple. Et bien que l’autrice ait eu une enfance intéressante et pleine de vie et d’aventure, j’avoue que ça me lasse un peu de voir ces récits de jeunesse nostalgiques. Clairement, ce n’est pas la BD la plus percutante de Catherine Meurisse.

9782754823982-475x500-1.jpgIndélébiles ; un très bel hommage à Charlie Hebdo. Luz raconte ici ses premiers pas dans le magazine, comment se passaient les bouclages, les reportages, les sorties, etc. C’est fort et très intéressant.

 

9782916254654-475x500-1Kimi le vieux chien ; une très belle BD, au graphisme incroyable et à l’ambiance très bien marquée, mais alors Ô combien déprimante ! On suit ici un vieux chien qui cherche un coin tranquille pour finir sa vie et qui, au gré de ses balades et de ses égarements, philosophe sur la vie, la place de la vie et de l’homme dans le monde, sur la mort et sur la dépression. On a connu plus gai x)

9782889230693-475x500-1Lune du matin ; une BD fascinante à lire, dont les pages se tournent toutes seules et pourtant, comme souvent, on se rend rapidement compte que l’on reste simple spectateur de l’histoire et qu’il nous manque ce petit truc qui ferait que l’on serait à fond dedans. J’ai aimé le ton mélancolique, les personnages, l’histoire mais j’ai eu l’impression de survoler tout ça. Dommage…

9782369902522-475x500-1Pittsburgh ; graphiquement c’est hyper intéressant, ingénieux et très beaux. Mais l’histoire est une énième autobiographie d’un jeune qui quitte ses parents et sa ville déprimante des États-Unis pour trouver mieux ailleurs et qui fait ici une introspection de sa vie. J’ai l’impression d’avoir déjà lu ça 100 fois, c’est un peu indigeste à la fin. Dommage parce qu’il y a une vraie recherche dans le graphisme.

9782205078022-475x500-1Renaissance Tome 1 ; bon, je suis surprise qu’il soit dans la sélection. C’est certes une BD SF intéressante qui propose un point de vue assez original sur l’arrivée des extraterrestre sur terre mais il ne faut pas non plus se leurrer, ça reste quand même très classique tant dans le scénario, que les personnages, l’ambiance ou le dessin. Pourquoi ça ne se passerait pas au Bénin avec des extraterrestres non-humanoïdes pour une fois ?

9782377311040-475x500-1.jpgServir le peuple ; graphiquement Servir le peuple est très intéressant, il y a même un côté fascinant dans le trait à la fois érotique et anachronique. Mais l’histoire d’amour entre ce jeune soldat communiste et la femme d’un général manque de profondeur. Je n’y ai pas cru, hélas. Je ne sais pas si c’est parce que tout va trop vite ou si c’est parce que finalement, les personnages restent assez caricaturaux.

9782848410456-475x500-1Sous la maison ; j’avoue que je n’ai pas tout compris. Un peu trop perché pour moi sur l’Éveil, la Voie et autre. Au début, je pensais que c’était une métaphore de la drogue mais apparemment non. Une lecture qui m’aura laissée totalement perplexe tant par le graphisme psychédélique que par le scénario obscur… Pas mauvais mais pas génial non plus.

9782809471083-475x500-1Wonderland Tome 3 ; une série de manga qui s’améliore à chaque tome ! Je suis ravie que la sélection lui donne une mini-chance d’être un peu plus connue. Alors que les deux premiers tomes donnent l’impression d’être un survival pseudo horreur adolescent classique, dès le troisième tome se met en place un vrai fond où on se rend compte que tout est bien pensé et que tout se tient. Une série à laquelle il faut donner sa chance !

Angoulême et moi partie 1 – Jeunesse et polar

Le festival d’Angoulême, c’est toute cette semaine et comme chaque année, les BD lauréates vont être annoncées ce weekend. Petit tour des sélections et de ce que je pense des BD que j’ai pu lire !

La sélection jeunesse et moi : 6/10 de lus

Je dois avouer qu’en 2018 je n’ai pas eu beaucoup de coups de cœur sur des nouveautés jeunesse, j’ai trouvé l’année plutôt… moyenne de manière générale dans ses parutions. Je n’attendais donc pas grand-chose de cette sélection jeunesse et je ne peux pas vraiment dire si je suis d’accord ou non avec cette dernière (tant qu’il y a bien l’Atelier des sorciers et Le prince et la couturière, bien sûr). Ah si, je regrette juste qu’il n’y ait pas Bergères Guerrières Tome 2, ou Aubépine qui auraient totalement eu leur place.

Mon chouchou :

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Le prince et la couturière ; qui vient de remporter le prix jeunesse, ce qui me rends JOIE ! Cette BD est une ode à la tolérance, au respect et à la bienveillance. Elle mérite vraiment ce titre pour toutes les valeurs qu’elle transmet à travers l’histoire de ce prince qui aime porter des robes et de cette couturière qui va l’aider dans sa passion peu commune.

Les Quatre étoiles :

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L’atelier des sorciers ; un très beau manga tant dans l’ambiance, les personnages, le scénario que le dessin. Une aventure pour les fans de magie à la Harry Potter ou Gardiens des Cités Perdues !

 

9782897770433-475x500-1Calfboy ; bon, j’ai du mal à comprendre pourquoi il est dans la sélection jeunesse (et pourquoi, à l’inverse, Claudine est dans la sélection officielle) mais ce n’est qu’un détail. C’est une BD très drôle que j’ai pris beaucoup de plaisir à lire sur un cowboy qui, ivre mort, va enterrer son butin. Sauf que le lendemain, au réveil… il a totalement oublié où il a bien pu enterrer son trésor. C’est simple mais frais et très bien mené !

Et les autres :

9782377310494-475x500-1Stig & Tilde Tome 1 ; une aventure très sympa mais qui manque peut-être de profondeur notamment dans le caractère des personnages (même si ces derniers s’étoffent dans le tome 2). On suit un frère et une sœur échoués sur une île déserte apparemment hantée. Sympa mais pas forcément facile d’accès pour des lecteurs jeunesse plutôt habitués à un graphisme et une aventure-humour dans la lignée des Légendaires.

9782897770402-475x500-1Crevette ; une histoire qui aurait pu être mignonne et rigolote mais qui m’a crispée. C’est vrai quoi, pourquoi prendre pour personnage principal une fille maladroite qui pleure tout le temps et adore faire le ménage et la cuisine et n’est pas assez intelligente toute seule pour passer son examen de magie ? Pas très engagé tout ça… Une BD trop facile pour moi et à l’antithèse de mes valeurs.

9782822225649-475x500-1Wonder Pony Tome 1 ; j’ai eu beaucoup de mal avec celle-ci aussi. Mièvre, facile, convenue, vue et revue, avec une colorisation peu convaincante et des personnages assez clichés. C’est dommage d’avoir pris le parti d’une histoire aussi facile et niaise alors que le scénario aurait pu être étoffé et proposer une vraie aventure. L’idée d’une collégienne super-héroïne avec la force d’un poney aurait pu être très drôle. Là, ça tombe juste à plat.

La sélection polar et moi : 3/5 de lus

Là, je dois avouer que je suis totalement perplexe ! Bon, je n’ai pas lu deux des cinq titres sélectionnés mais quand j’ai vu les résultats, j’en suis tombée des nues. Avec tous les excellents polars sortis cette année, ce ne sont vraiment que ceux-là qui ont brillé aux yeux du jury d’Angoulême ? Vraiment ?

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Gramercy Park ; à choisir ce serait ce titre-là qui sortirait comme étant mon « préféré » des trois que j’ai lu, bien que « préféré » soit un terme tout relatif. On suit une femme qui a racheté un toit d’immeuble pour y installer des ruches. Mais n’aurait-elle pas un autre but en s’installant ici ? L’histoire est efficace, la narration prenante mais le tout reste très classique et les personnages manquent un poil d’épaisseur.

9782366243208-475x500-1Les visés ; une BD intéressante et originale sur la tuerie de 1966 à Austin, au Texas. L’auteur prend le parti (risqué) de s’immerger dans la tête du tueur quelques jours avant les faits. Une idée pertinente donc, mais la manière de traiter tout ça est trop éparpillée. Le décalage entre un graphisme très froid et une narration (ainsi qu’un sous-texte) plus virulent et halluciné m’a semblé trop grand pour que je sois entièrement dedans. Intéressant donc mais pas le plus percutant malgré le sujet choc.

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Villevermine Tome 1 ; pour le coup, je n’ai pas du tout aimé ce titre (mais étrangement, je le sens bien parti pour avoir le fauve Polar). L’humour est tombé à plat, les personnages ne m’ont pas intéressée et l’histoire m’a parue un peu trop capilotractée, le scénario surjoué. On suit un homme qui a le pouvoir de parler aux objets (ok, ça c’est plutôt cool) vivant dans une ville abjecte qui va se trouver au milieu d’un espèce de complot monstrueux instigué par un savant fou. Too much pour moi hélas.

[BD] Un monde en pièce

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Auteurs :
Ulysse et Gaspard Gry
Éditeur : Presque Lune
Nombre de pages : 112

Et si notre société n’était qu’un gigantesque plateau d’échecs ?

Oubliez la France, les États-Unis ou la Chine ; dans Un monde en pièces, les pays sont remplacés par des jeux de plateaux. Le jeu de Dame vient de s’effondrer, de nombreuses Dames émigrent vers le plateau d’échec pour sauver leur vie. Sur ce même plateau, une révolte est en cours, menée par les Fous, pour faire tomber le Roi et changer le système.

Un monde en pièces est une BD d’anticipation politique totalement déroutante et originale. Nous sommes ici à New-Ébène, une des capitales du plateau d’échec. Ici, chaque pièce est à sa place : le Roi trône dans son palais aux côtés des Tours, ses ministres. Les Cavaliers sont chargés de l’ordre et les Pions sont les petites mains du plateau, travaillant dur pour espérer une promotion qui les sortirait de leur condition précaire. Depuis la mort de la Reine, les inégalités s’accentuent, les Cavaliers sont débordés et le Roi s’est détourné de ses fonctions. Pour couronner le tout, les Fous ont pris la tangente et créer un mouvement révolutionnaire dans l’espoir de faire tomber le Roi pour renverser ce système injuste. Une situation politique compliquée et explosive à laquelle s’ajoute l’arrivée des Dames, fuyant leur plateau en déperdition.

planchea_337774Dans une ambiance des années 60, Ulysse et Gaspard Gry proposent une relecture brillante de notre propre actualité. Tout y passe : politique d’immigration, inégalités sociales, racismes, révoltes citoyennes, corruption… Rien n’échappe à l’œil acéré et piquant des auteurs. Tout se tient et plus on avance dans la lecture, plus on sent que le scénario est maîtrisé.
Les personnages semblent tous corrompus, pétris d’orgueil et de défauts ; mais ce sont justement ces caractéristiques peu reluisantes qui les rendent si réalistes et attachants. Plus ils évoluent, plus leurs réactions prend sens. À chaque page qui se tourne, la tension monte, monte, monte, implacable, étouffante,  feutrée, et l’on se demande jusqu’où les personnages tiendront et jusqu’où vont aller les auteurs.
Cette ambiance noire et prenante, particulièrement bien marquée doit beaucoup au graphisme. S’il peut sembler déroutant et dense au premier regard, il est en réalité parfaitement adapté à l’atmosphère asphyxiée qui se dégage de cette société. Le dessin en noir et blanc joue beaucoup sur les ombres et la perspective, souvent exagérée permet d’appuyer le côté écrasant des personnages, de la ville et de leur destin.

En s’appuyant sur le monde des échecs, les auteurs ont pris un sacré paris. Mais un pari réussi haut-la-mains lorsque l’on voit avec quelle fluidité on lit cette BD. Que l’on soit ou non amateur d’échec, chaque référence ou jeu de mot qui parsème le texte (ou le dessin) est un pur plaisir et étoffe un peu plus la société (re)créée par les auteurs.

Mêlant corruptions, manipulations, crimes mafieux, chasse aux migrants et montée du totalitarisme, Un monde en pièces est un thriller noir implacable, ingénieux et novateur. Toute notre société y est décrite avec cynisme et justesse et c’est avec autant de plaisir que d’effrois que l’on suit les complots et les coups bas de cette société asphyxiée.
Ne passez pas à côté de cette pépite !

En trois mots : Réfléchi. Cynique. Excellent.